Ce que l’or renifle…

La récente hausse de l’or laisse les commentateurs financiers perplexes. Les « experts » ne l’auraient pas vu venir, se moquent certains. C’est faux dans un sens et ce genre de remarque prouve, chez ceux qui la profèrent, une méconnaissance du système monétaire. Car les causes de la hausse de l’or sont bien monétaires.

Rappelons que l’assise du système monétaire est le dollar.

Plus précisément, la dette fédérale américaine est considérée comme l’actif financier le plus sûr au monde. 

Tout le monde en stocke en réserve : les banques centrales, les fonds de pension, les assureurs, … Bref, ceux qu’on appelle les investisseurs institutionnels.

Il ne vient pas une minute à l’esprit de ces gens que la dette américaine ne soit pas payée.

Et pourtant…

Voici un graphique qui montre comment évolue le coût des intérêts sur ce stock de dettes. Ce montant est exprimé en pourcentage du PIB américain. Il atteint actuellement 3,7%.

Autrement dit, pour payer les intérêts des dettes contractées au nom du peuple américain, le gouvernement doit prélever 3,7% du PIB contre 2,5% à 3% depuis l’année 2000.

Pour la première fois, la croissance de l’économie (soit 3,2%) sera inférieure aux intérêts de la dette.

Les intérêts de la dette augmenteront dans les années qui viennent au fur et à mesure que les emprunts des années à taux très bas seront remplacés par des emprunts contractés à taux plus élevés.

L’évolution de la croissance économique est quant à elle incertaine.

Rappelons que depuis 1982, la balance commerciale américaine est déficitaire : le pays importe plus qu’il n’exporte.

Les États-Unis doivent de l’argent, beaucoup d’argent. Ils ont aussi besoin de beaucoup d’argent pour payer les intérêts de leur dette. Ils n’arrivent à fournir des biens et services à prix compétitifs en quantité suffisante. Ceci malgré les exportations de gaz naturel vers l’Europe grâce au sabotage « providentiel » du gazoduc russo-germanique. Enfin, ils ont prévu de dépenser encore plus.

Tout ceci n’inquiète pas. La dette et les déficits ne sont pas nouveaux.

Tout ceci est connu et suivi par ceux qui détiennent de l’or car ils s’inquiètent.

Qui sont-ils ?

Probablement des banquiers centraux, mais pas les institutionnels qui gèrent l’argent des autres.

C’est ce que montre ce graphique, issu de notre dernière lettre : l’évolution du prix de l’or s’est détachée de celle des capitaux entrant ou sortant des fonds ETF adossés à l’or. Ces instruments sont ceux qu’utilisent les institutionnels et de nombreux investisseurs particuliers.

Évolutions comparées des stocks d’or des ETF (en bleu) et du cours de l’or (en orange)

Des sanctions qui sèment le doute

Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Ceci déclenche des sanctions de la part de l’Europe et des Etats-Unis. 

Côté Europe : gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie, exclusion de plusieurs banques russes du système bancaire Swift, interdiction des transactions en cryptomonnaies avec les ressortissants russes. 

Côté États-Unis : gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie, embargo sur le pétrole et le gaz russes.

Ceci fait réfléchir de nombreux pays non-occidentaux, détenteurs de créances libellées en dollars et en euros. Le message est clair : si des États ont des divergences avec le bloc de l’Otan, ils risquent de voir geler leurs avoirs détenus hors de leurs frontières.

Du coup, les banques centrales exotiques regardent d’un œil beaucoup plus méfiant les bons du Trésor supposés être des réserves de change. D’autant plus qu’en cas de gel des transactions commerciales, à quoi servent donc ces réserves ? D’où un regain d’appétit pour l’or.

Source : Le Figaro

Toutefois, les investisseurs en « or-papier », ceux des ETFs, ne suivent pas depuis 2023. Pourquoi ? Peut-être parce que l’épargne bancaire (en assurance-vie ou épargne retraite) est à nouveau rémunérée. On peut trouver du 3% en Europe et du 5% aux Etats-Unis tandis que l’or, lui, ne rapporte rien. C’est simplement une hypothèse, faute de connaître ce qui se passe dans la tête des épargnants. Autre hypothèse : quelques institutionnels de pays non-alignés avaient eux aussi recours à ces ETF ; ces instruments étant majoritairement américains, il peut leur paraître sage de préférer de l’or physique et de le stocker chez eux…

Le plus important est qu’une partie du monde financier redécouvre que l’or est apatride – ce n’est la monnaie de personne – et que si on le garde chez soi, il n’y a pas de risque de contrepartie. Il n’a besoin de personne pour exister.

Ce récent engouement semble montrer que les acheteurs d’or physique redoutent une crise monétaire, donc une crise de la dette publique.

On ne peut pas leur donner tort : l’inflation n’est pas vraiment maîtrisée (sauf par des tours de passe-passe statistiques), les dettes publiques sont hors de contrôle, et la croissance mollassonne.

Même Bruno Le Maire, notre ministre du Quoi-qu’il-en-coûte, parle de faire attention.

Bien entendu ce ne sont que des paroles qui resteront sans effet, mais c’est avouer que la situation devient gênante…

Nous conseillons à nos lecteurs de détenir de l’or physique (exactement comme les banquiers centraux) et sous une forme bien précise.

Il convient aussi de garder présent à l’esprit que le plan de relance ultime de nos brillants keynésiens et planificateurs omniscients confrontés à leurs échecs et la ruine a toujours été … la guerre.

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