Les anomalies du marché agricole

Les corrections du marché par des bureaucrates, qui ne ressentiront jamais les conséquences de leurs erreurs, sont illusoires. C’est ce que démontre l’échec cuisant de la Politique agricole commune (PAC). 

Les agriculteurs sont toujours fâchés. Il est question qu’ils prennent d’assaut Paris, puis peut-être Bruxelles.

Ils ont des raisons d’être mécontents.

Voici un post relevé sur X qui montre le nombre de contraintes auxquelles sont soumises un agriculteur. Pas seulement des contraintes administratives, mais des directives sur la façon de faire son métier : quand planter, quand moissonner, que planter, où, comment traiter, engraisser, avec quoi, quelles doses, à quel prix vendre, … Tout cela, les fonctionnaires de la Commission européenne le savent mieux qu’un agriculteur ou un éleveur.

En contrepartie de son obéissance, l’agriculteur reçoit des subventions qui représentent une part substantielle de son revenu. Le Figaro du lundi 29 janvier nous donne quelques exemples concrets dans son article « Agriculteurs, vignerons, éleveurs, … Ce qu’ils gagnent vraiment ».

Pour une éleveuse de poulets : 20 000 € de subventions pour un salaire de 1 000 € mensuel.

Pour un éleveur de bovin : 40 000 € de la PAC pour un salaire net mensuel de 1 500 €.

Pour une arboricultrice : 20 000 € de la PAC, aide exceptionnelle de l’État de 50 000 € pour les gelées de 2022 et salaire mensuel de 1 000 €.

Une vigneronne du midi : 0 € de subvention et 64 000 € net imposables avec son mari.

Tiens, tiens : pas de subvention mais plus de revenu que les autres… Où est le secret ?

La lecture est édifiante : Hélène la vigneronne a refusé 15 700 € de subvention par hectare pour planter les pieds de vigne imposés par les fonctionnaires. Elle veut faire le vin qu’elle estime préférable : « c’est honteux. On pousse les agriculteurs à devenir esclaves et on se moque des consommateurs » s’indigne-t-elle.

Au menu de Bobocity, un maximum de « trace carbone »

Je dinais dimanche 28 janvier dans un restaurant d’Avignon. Avignon est une « bobocity » : la ville vit presqu’exclusivement d’activités théâtrales largement subventionnées et du tourisme qui gravite autour de son festival. Elle est peuplée d’intermittents-permanents du spectacle.

Le restaurant affichait que l’agneau venait de Nouvelle-Zélande, l’entrecôte de bœuf d’Uruguay et le tartare de bœuf de France.

Les bobos étant plutôt écolos, on aurait pu penser que les restaurants de la ville privilégieraient des sources locales (circuit court, trace carbone, etc.). Visiblement ce n’est pas le cas et pourtant le restaurant était plein. Lorsque j’ai interrogé le serveur sur la raison de ces choix, il m’a répondu « le prix » et « l’entrecôte est de l’Angus beef qu’on ne trouve pas en France » (ce qui est faux).

Conclusion : malgré les aides de la PAC et le coût du transport des importations, la production française n’est pas compétitive.

Les folles prétentions de la PAC

« La politique agricole commune soutient les agriculteurs et garantit la sécurité alimentaire de l’Europe » expose la Commission européenne qui justifie plus loin l’impérieuse nécessité d’agir :

  • malgré l’importance de la production alimentaire, les revenus des agriculteurs sont inférieurs d’environ 40 % aux revenus non agricoles;

  • l’agriculture dépend davantage des conditions météorologiques et climatiques que de nombreux autres secteurs;

  • il existe un décalage inévitable entre la demande des consommateurs et la capacité des agriculteurs à y répondre: cultiver davantage de blé ou produire plus de lait prend nécessairement du temps.

Précisons que le début de la PAC date de 1962. Plus de 80 ans de PAC n’ont donc pas réussi à assurer aux producteurs des revenus décents.

La deuxième affirmation est contestable. Les maçons, les couvreurs, le tourisme, … bien des secteurs d’activité dépendent de la météo. Toutefois, Bruxelles n’indique pas aux couvreurs quand ils peuvent monter des échafaudages, quel type de toiture poser, comment doit être faite la charpente, d’où doivent provenir les ardoises, les tuiles ou les lauses, à quel prix il faut vendre, … Et les couvreurs se suicident moins que les agriculteurs.

La troisième affirmation est tout aussi contestable. Produire prend du temps. Le cycle agricole est celui des saisons et l’Europe tempérée vit au rythme d’une à deux récoltes annuelles. Produire du bois prend des décennies. Mettre une mine ou un champ de pétrole en production prend des années. Sans parler d’une centrale électrique. La plupart des projets industriels d’envergure ont des cycles plus longs qu’une récolte. Ceux qui se lancent prennent des risques en anticipant la demande.

Quelques résultats de la PAC en France :

·      390 000 exploitations dont 10% en situation de faillite

·      18% des ménages d'agriculteurs en-dessous du seuil de pauvreté

·      20% de la consommation importée avec 71% des fruits et 28% des légumes.

Source « L'euthanasie de l'agriculture française », Nicolas Baverez

Aucun fonctionnaire bruxellois ne semble connaître la tentation du suicide face à cet échec. Bien au contraire, il prétend continuer à agir : la PAC se mêle maintenant d’écologie. La « neutralité carbone », objectif de 2050, exige moins de production agricole. Beaucoup moins : -49% par exemple pour le blé.

Nous sommes face à des constructivistes fous qui prétendent déceler des anomalies de marché et les corriger par leurs politiques désastreuses. C’est exactement ce que dénonçait Javier Milei dans son discours de Davos.

Semez des subventions et des réglementations, avilissez la monnaie pour financer des absurdités, encadrez les prix et récoltez la misère. Depuis l’empire romain et l’Édit de Dioclétien, la recette est bien connue et documentée.

Une partie de notre transaction de la décennie consiste à miser sur le renchérissement du pétrole. Nous l’envisageons comme une conséquence prévisible de la plus grande mystification du siècle, la peur du « changement climatique ». La politique climatique engendre des distorsions de marchés au profit d’énergies non rentabilisables. Ces distorsions privent les activités vraiment rentables de capitaux. La déroute du secteur agricole conforte notre analyse.

Précédent
Précédent

Du pétrole plutôt que les « 7 magnifiques »

Suivant
Suivant

Agriculture, énergie, logement : les ravages du nouveau socialisme