Les Banques centrales poussent l’or à des records

Les récents cours de l’or étonnent la plupart des commentateurs. Il est vrai que cette hausse ne vient pas des investisseurs privés mais des banquiers centraux eux-mêmes ce qui est plutôt paradoxal, ces derniers étant les grands prêtres des monnaies fiduciaires.

Les dernières cotations records de l’once d’or le vendredi 1° décembre ont atteint des records : 2 072 $ et 1 903 € l’once. Record en dollar surpassé à nouveau lundi 5 décembre, l’once atteignant 2 135 $.

J’imagine les conférences de rédaction du lundi matin où les sujets à traiter sont choisis et les journalistes désignés :

Rédac-chef :

« Il y a ce truc de vieillards, la relique barbare qui se réveille… Faut en dire quelque chose. Tiens, toi, Bidule, prend ce sujet. Nous, il faut qu’on traite la COP28, la note de crédit de la France maintenue par Standard & Poor’s, le coup de mou d’Alibaba en bourse, les sujets importants… » 

Bidule-le-stagiaire : « Heu… l’or ? Mais j’y connais rien ! Mes sujets c’était plutôt le bitcoin, les monnaies numériques de banque centrale, les fintechs… »

Rédac-Chef : 

« Aucune importance. Tout le monde s’en fout, de l’or. Tu connais quelqu’un qui en a et qui va payer une bière avec ça ? Tu parles du dollar, de l’inflation, des taux d’intérêt, blablabla… Et tu dis que c’est dangereux de détenir de l’or, que c’est pas pour les particuliers et que c’est une bulle. »

Et vous savez quoi ? Le rédac-chef typique n’a pas tort sur toute la ligne. Peu de particuliers détiennent de l’or. Quant à la récente flambée des cours, nous ne la devons pas aux investisseurs mais aux banquiers centraux.

Voici pour prouver ces dires, un graphique émanant d’un spécialiste, le fonds Sprott.

Achats d’or par les fonds d’investissement (en bleu) et les banques centrales (en orange) en tonnes

Le graphe est assorti de ce commentaire :

« Sur 12 mois glissants, les banques centrales ont acheté à un rythme de 1 225 tonnes tandis que les fonds et les intervenants sur les marchés à terme ont vendu à un rythme de 288 tonnes, c’est l’écart le plus important depuis que ces données sont disponibles. Nous notons aussi qu’historiquement les comportements des investisseurs et des banques centrales sont très différents. »

Mais évidemment, ce ne sont pas Jerome Powell ou Christine Lagarde qui achètent de l’or…

Comme nous l’avions prévu, la guerre russo-ukrainienne et les sanctions financières prises à l’encontre de la Russie ont fait réfléchir les banquiers centraux « non-alignés ». Ils ont compris qu’il devenait urgent de sécuriser leurs avoirs libellés en dollars puisque le dollar est devenu un instrument de rétorsion. Pour ces banquiers centraux, l’euro ne constitue évidemment pas une alternative, l’Union européenne faisant bloc avec les Etats-Unis au travers de l’Otan. Pour mémoire, ces avoirs des banquiers centraux correspondent aux crédits faits par les pays exportateurs à leurs clients occidentaux qui ont pour fâcheuse habitude d’importer des biens qu’ils payent en titres de dette souveraine…

Dans son édition du mardi 5 décembre, Le Figaro publie une page consacrée à l’or et titrée « Tensions géopolitiques et espoirs de baisses des taux font flamber l’or ». Cette prose a pour mérite de citer les principales banques centrales acheteuses d’or - Chine, Inde, Russie, Turquie, Égypte, Qatar, Ouzbékistan - mais oublie de citer quelques pays moins exotiques et notamment européens, comme la Pologne…

Les intervenants cités sont plutôt haussiers sur l’or mais Le Figaro conseille à ses lecteurs d’avoir seulement 1% à 2% de son patrimoine consacré à l’or comme « protection contre les crises ».

Ce qui soulève une question : pourquoi ce qui serait bon pour des banquiers centraux inquiets sur le devenir des monnaies occidentales (puisqu’un titre de dette souveraine libellé en dollar ou même en euro est vu comme de la monnaie) ne le serait-il pas pour un simple citoyen tout aussi inquiet ?

La principale raison que j’explique dans mon livre, De Sumer au bitcoin : dettes et crises monétaires est que le pouvoir souhaite contrôler la monnaie. L’or a le terrible défaut d’être une monnaie indépendante du pouvoir. Tout est bon pour en éloigner le simple citoyen.

Nous vous conseillons d’avoir bien plus d’or que 1% ou 2% dans votre patrimoine financier. C’est votre assurance contre l’érosion inévitable des grandes devises fiduciaires sous l’effet des « politiques monétaires ». Nous pensons que cette érosion va connaître un emballement. Jerome Powell, Christine Lagarde, et compagnie vont rapidement revenir à leurs penchants naturels à la facilité : baisse des taux et reprise de la création monétaire. Ne faut-il pas lutter contre la pauvreté, l’exclusion, le terrorisme, le climat, défendre l’Ukraine, Israël et aider les politiciens bien-pensants à instaurer le paradis sur Terre ?

Cet été, j’alertais nos lecteurs sur le fait que nous avions probablement les dernières opportunités d’acheter de l’or sous 2 000 $ ou 1 800 €. Depuis, la température de la planète n’a pas baissé, le front Russie-Ukraine est toujours ouvert, un nouveau front a surgi avec Israël contre le Hamas et le poids des intérêts sur la dette publique commence à peser sur les épaules de tous les contribuables. Ce qui va bientôt donner un alibi aux banquiers centraux pour reprendre leurs politiques monétaires habituelles : plus de monnaie en contrepartie de rien.

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