Quand la dette publique dévore la croissance

Les intérêts sur la dette publique dépassent désormais la croissance. Pour le moment, les agences de notation ne s’en alarment pas mais cela pourrait changer.

La semaine dernière, nous examinions une des statistiques économiques les plus regardées, le PIB et son évolution, appelée « croissance ». 

Bercy attend avec anxiété le verdict de l’agence publique de notation Standard & Poor’s sur la note de crédit de la dette publique française, qui devrait être connu vendredi 1° décembre en fin de soirée. Les déficits, la dette et la charge des intérêts sont systématiquement confrontés au PIB et à la croissance, qui est considérée comme l’accroissement du PIB. 

Bruno Le Maire, entouré de l’Agence France Trésor, s’affaire pour convaincre les analystes de l’agence de notation qu’en France tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Le même Bruno Le Maire, alors au gouvernement Sarkozy début 2012, a vécu la fin du « triple A » et la dégradation de la France. Cela ne l’a pourtant pas empêché de pratiquer joyeusement le « quoi-qu’il-en-coûte » et de distribuer à tout va de l’argent que nous n’avons pas en augmentant la dette publique à un rythme effréné. Dernier en date : le chèque bonus textile pour repriser ses vêtements.

Parmi les grands chiffres regardés par les agences de notation : les évolutions du PIB, de la balance commerciale, du déficit public et de la charge du service de la dette. Sur presque tous ces points, notre pays ne brille depuis des décennies que par sa constance : la croissance s’amollit, les échanges commerciaux ne connaissent que le rouge, les déficits publics s’enfilent comme des perles.

Seul le dernier paramètre, le service de la dette, évoluait bien jusqu’à présent. Car avec la magie de la manipulation des taux par la Banque centrale, conjuguée aux rachats de titres de dette souveraines, les intérêts baissaient. Et Bruno Le Maire constatait avec ravissement qu’à taux zéro, la dette pouvait être infinie et indolore. Hélas, cette glorieuse époque semble terminée.

Le Figaro du lundi 27 novembre rapporte les propos de Paul Midy, député Renaissance :

« La croissance mondiale étant moins bonne, il y a un mouvement global de baisse des notes financières des pays mais tout a été fait pour que ce ne soit pas le cas de la France. On a trouvé le bon équilibre entre sérieux budgétaire et rigueur qui casserait la croissance ».

Croyance typiquement keynésienne : la rigueur (c’est-à-dire moins de déficit public appelé abusivement « sérieux budgétaire ») casserait la croissance (vue comme l’augmentation positive du PIB).

Dans ma dernière chronique, je vous parlais des défauts du PIB pour mesurer une véritable croissance de la richesse. L’un de ses défauts les plus importants est d’incorporer les déficits publics, des dépenses financées par de l’argent qui n’existe pas encore. À chaque nouveau déficit correspondent des émissions de dettes. La dette passée, elle, n’est jamais remboursée : lorsqu’un emprunt arrive à échéance, le gouvernement en contracte un nouveau.

Cette cavalerie fonctionne bien lorsque les taux baissent. Elle se grippe lorsque les taux montent. 

Aujourd’hui, avec la hausse des taux d’intérêt, le coût de la dette absorbe plus que la croissance du PIB. 

Pour prêter à 10 ans, les investisseurs demandent actuellement à la France de payer entre 3% et 3,5% d’intérêts.

La dette publique représente 1,2 fois le PIB. Ses intérêts nous coûteront 55 Mds€ en 2023, selon l’Agence France Trésor.

La prévision de croissance de la Banque de France est pour 2023 de 0,9% pour un PIB d’environ 2 500 Mds€. La « croissance » représente donc 22,5 Mds€ ce qui est bien inférieur aux intérêts de la dette. 

Les « fruits » de cette croissance – pour reprendre l’expression chère aux amateurs de redistribution – sont donc totalement absorbés par le paiement des intérêts de la dette publique.

Ce qui montre que l’absurdité des propos du député Renaissance qui parle de « rigueur qui casserait la croissance ». Au contraire : le déficit casse la croissance, puisque s’il y avait moins de de déficit, il y aurait moins de dette, moins d’intérêt à payer, et plus de croissance.

Mais cette brutale réalité déplaît à tous ceux qui prétendent organiser l’économie selon leurs idées, en se finançant avec de l’argent qu’ils sont incapables de gagner et qui n’existe pas.

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