Quels taux pour quels risques ?

Les taux à long terme montent ce qui signale que les investisseurs réapprécient les risques. Mais l’or monte aussi ce qui signale que l’incertitude augmente. 

Un de nos spécialistes, Dan Denning, faisait la semaine dernière une réflexion sur la hausse des taux d’intérêt américain à 10 ans qui ont dépassé 5% et de l’or coté en dollar qui s’approchait des 2 000 $ l’once.

« Une des choses intrigantes concernant les taux d’intérêt et l’or est que les deux montent simultanément. Cela n’était pas le cas durant ces vingt dernières années. L’or baisse quand les taux d’intérêt réels augmentent si l’on se fie au scénario des dernières décennies. Pas très difficile à expliquer. L’or ne donne pas de rendement, contrairement aux obligations. Les investisseurs qui recherchent de la « sécurité » achètent des obligations et vendent de l’or […]

Désormais cette vieille corrélation s’est brisée. Les bons du Trésor américain à court terme sont certainement liquides. Mais les obligations à long terme ne sont pas sans risque. Et elles ne sont pas du tout sûres. Ces trois dernières années, les obligations américaines ont connu les pires performances cumulées de l’histoire moderne. Je parle de pertes que vous ne voyez que lorsqu’un pays entre en hyperinflation, est au bord d’émeutes ou d’une révolution. Est-ce que c’est ce qui attend les États-Unis ? » 

Dan parle d’une baisse de près de 27% de l’indice obligataire américain AGG qui est passé de 111 en juillet 2020 à 92 aujourd’hui.

Par conséquent, en contrepartie d’un maigre rendement, les investisseurs s’exposent à une perte de 27% s’ils ont besoin de liquidités et de vendre leurs titres.

Est-ce vraiment de la « sécurité » ? Non bien sûr. 

Le prix de la sécurité

Avant de poursuivre, une précision. 

Les taux à court terme sont fixés par les banques centrales. C’est le prix que payent les banques pour créer de l’argent. En effet, lorsque vous et moi contractons un prêt, l’argent que nous empruntons n’existait pas auparavant. Les banques payent ce prix pour le faire exister. 

Les taux à long terme sont plutôt fixés par la loi de l’offre et de la demande, dans la mesure où les banques centrales n’interviennent pas, c’est-à-dire qu’elles ne rachètent pas des dettes à long terme comme cela s’est passé depuis la crise financière de 2008 jusqu’à ce récent resserrement monétaire.

S’il y a beaucoup de déficit public, il y a beaucoup d’offre puisque les États doivent émettre de la dette pour combler le déficit. Et s’il y a moins de demande, les taux d’intérêt vont monter pour appâter les clients.

En ce moment, il y a beaucoup de déficits ; la demande factice des banques centrales n’existe plus ; il y a donc moins d’offre. Mais il suffirait que les opérations dites de quantitative easing reprennent pour que les taux baissent à nouveau

« Quelle est la limite ? » s’interroge Dan Denning. « À un certain point, lorsque vos dépenses atteignent un point de non-retour, les investisseurs et les gens ordinaires arrêtent de prendre au sérieux vos devises et vos obligations ».

C’est exact.

Si vous poursuivez ce raisonnement, vous aboutissez à une conclusion : les taux des obligations souveraines de maturité longue ne sont pas le reflet du « risque financier » à un instant donné. Ils sont simplement le reflet de la confiance dans la devise, ce qui est très différent.

Le risque est mesurable, quantifiable objectivement. Par exemple, fabriquer des réacteurs nucléaires, affréter des bateaux, fabriquer des médicaments sont des activités plus risquées que fabriquer des chaussures, des produits de luxe ou même produire un film.

La mesure objective de la confiance

La confiance, en revanche, est plus difficile à mesurer objectivement. Qu’est-ce qu’un point de non-retour pour les dépenses publiques ? Quand les intérêts sur la dette dépassent le budget de l’armée, ce qui pourrait arriver bientôt aux États-Unis ? Quand les intérêts sur la dette dépassent le tiers des recettes fiscales, ce qui pourrait arriver bientôt en France ?

La confiance est psychologique et par conséquent elle n’est ni quantifiable, ni modélisable.

Ce qui est certain, en revanche, est que l’or est une monnaie qui n’a pas besoin de confiance pour exister. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, il est plus sûr de placer ses liquidités en or qu’en obligations en dollars ou en euros pour des maturités supérieures à un an.

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