Un « pivot » à 300 Mds$ mais le marché baissier n’est pas fini

La Fed vient de repasser en mode de création monétaire tout en affirmant lutter contre l’inflation, bien sûr. Cette nouvelle absurdité ne créera cependant aucun bénéfice chez les entreprises.

Et hop ! 100 Mds de francs suisses surgis du néant et voici la faillite de Crédit Suisse sans conséquence.

Et hop ! Accès quotidien illimité aux dollars et voici les banques européennes sauvées.

Et hop ! Dépôts garantis sans plafond dans toutes les banques américaines et voici tout risque de panique bancaire écarté.

Les banquiers centraux ont appris depuis la crise de 2008, lit-on partout. Ils « interviennent » rapidement. Ils créent de la monnaie beaucoup toujours plus vite et toujours plus. 

Au total, les pertes dues à la chute de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank, soit 319 Mds$, atteignent à peu près les pertes de la crise de 2008 qui a vu la faillite de 25 banques et 373 Mds$ d’actifs partir en fumée. Mais le compte n’y est pas tout à fait…

« À la fin de 2022, les banques américaines étaient assises sur 620 Mds$ de pertes non matérialisées »

Time

Il s’agit de titres de crédit qui ont perdu de la valeur en raison des hausses de taux pratiqués par les banquiers centraux.

Si vous avez une obligation de valeur 100 qui vous rapporte 1% alors qu’aujourd’hui vous pouvez trouver du 4%, personne ne voudra vous reprendre votre vieille obligation si vous devez la vendre. Donc sa valeur baisse pour s’ajuster au nouveau taux.

Donc – sauf si la Réserve fédérale baisse à nouveau ses taux – il va encore y voir de la casse.


Des mandats bidons

Selon le mythe sur lequel repose le système monétaire et financier moderne le rôle d’une banque centrale est :

  • D’assurer la stabilité financière en cas de crise bancaire

  • De garantir la valeur de la monnaie en luttant contre l’inflation

Pour assurer la stabilité financière, il faut créer toujours plus de monnaie ou de crédit pour absorber les pertes puisque toute faillite bancaire est impossible.

Pour garantir la valeur de la monnaie et la stabilité des prix, il faut s’abstenir de toute création monétaire donc chaque crédit devrait être adossé à une épargne existante.

C’est un peu comme si vous disiez à un obèse de maigrir en mangeant toujours plus et en lui proposant un régime toujours plus riche.

N’importe qui serait en droit de vous traiter de fou.

Pourtant, c’est ce que les banquiers centraux disent vouloir faire et tout le monde trouve que ce sont des gens très avisés…


Reprise de la création monétaire

Rappelons que le « bilan » est le terme flatteur qui désigne des titres financiers que la banque centrale rachète parce que personne n’en veut. Elle les rachète contre de l’argent frais, de la nouvelle monnaie. Le « bilan » mesure donc la taille de la création monétaire.

Voici l’évolution du bilan de la Fed depuis 2008 :


Un bilan multiplié par 9 depuis 2008

Le bilan de la Fed a culminé à presque 9 000 Mds$ en avril 2022, un mois après la première hausse de taux de la Réserve fédérale effective en mars 2022. La Fed est devenue une gigantesque « bad bank », un dépotoir, qui prend en pension tous les titres pourris qu’on lui confie.

Le bilan a ensuite doucement baissé au rythme des hausse de taux d’environ 700 Mds$.

Voici une loupe sur l’évolution récente du bilan de la Fed depuis que les premiers craquements sont apparus dans le système financier :

Bilan de la Fed depuis le début de la hausse des taux directeurs

Et hop ! 300 Mds$ sont déjà apparus en quelques jours alors que M. Powell nous jure qu’il lutte contre l’inflation avec toute la force de ses petits bras musclés…

Et là, une question agite mon neurone déjà fébrile : une banque centrale peut-elle « en même temps » augmenter son bilan pour sauver les banques et ses taux directeur pour lutter contre l’inflation ?

Après tout, depuis l’apparition des taux négatifs, toute absurdité monétaire et financière est devenue possible …

À cette question mon neurone a surchauffé. J’ai donc décidé d’interroger l’intelligence artificielle que tout le monde porte aux nues : Chat GPT.

Chat GPT confirme que l’absurde est possible et qu’il n’y a que la foi qui sauve

J’ai rédigé ma requête en anglais car il paraît que Chat GPT est plus à l’aise dans la langue de Shakespeare et de Powell que celle de Molière.

Chat GPT m’a pondu rapidement une première réponse inutile mais rédigée en bonne langue de bois que ne renierait pas un banquier central bien élevé.

En résumé :  oui, si l’économie est suffisamment robuste pour le supporter. « Toutefois ce serait une action d’équilibriste qui exigerait un examen très attentif des effets potentiels sur l’économie. En dernier ressort la décision d’augmenter le bilan et les taux dépendrait d’une variété de paramètres incluant l’inflation, la croissance économique et les objectifs de la Reserve fédérale ».

Il paraît que l’IA doit être stimulée en enchaînant les questions. J’ai donc poursuivi (toujours en anglais) « quel est l’objectif prioritaire de la Réserve fédérale : la stabilité financière ou la valeur du dollar ? » 

Sur ce point, Chat GPT n’en démord pas. La Fed a un double mandat (dual mandate) qui consiste à promouvoir :

  1. le plein emploi,

  2. la stabilité des prix

  3. des taux d’intérêt à long terme modérés

Le fait de qualifier de double ce qui est triple ne perturbe pas Chat GPT. Moi si.

En le cuisinant sur ce point, j’ai obtenu des réponses aussi claires que celles des chrétiens interrogés sur le mystère de la Sainte Trinité… Une certitude cependant émerge : le triple « double mandat » date de 1977.

En fait, le système monétaire et financier actuel, comme la religion, suppose que le mystère de la foi soit à l’œuvre.

C’est d’ailleurs bien pour cela que l’on parle de monnaies fiduciaires ou fiat money : leurs valeurs reposent sur la confiance, la foi.

Pendant ce temps, dans l’économie réelle…

Plus d’argent gratuit dans le système va-t-il améliorer l’économie ? Pendant combien de temps encore la foi tiendra-t-elle ?

Un début de réponse vient peut-être de Mark Wilson, le directeur des investissements de la méga-banque-trop-grosse-pour-faire-faillite Morgan Stanley :

« Sur les 308 Mds$ que la Fed a prêtés aux banques il est peu probable que la majeure partie conduise à la création de nouveaux crédits pour leurs clients […] Dans le cas présent, les prévisions de croissance des bénéfices sont beaucoup trop élevées compte tenu des vents contraires auxquels les entreprises sont confrontées et du fait que la Fed relève les taux d'intérêt pendant une période de contraction des bénéfices. […] C'est pourquoi la dernière partie de la baisse peut être vicieuse et fortement corrélée, c'est-à-dire que les prix chutent brutalement en raison d'une hausse de la prime de risque des actions qu'il est très difficile de prévenir ou de défendre dans un portefeuille »

Investing.com La dernière phase de la baisse des marchés sera « vicieuse » selon Morgan Stanley

Sur ce point Morgan Stanley est plus utile et clair que Chat GPT : argent créé + hausse des taux n’améliorent pas les bénéfices. Et les investisseurs trop croyants devraient bientôt être déçus.

Évidemment, si la Fed baisse ses taux, la suite de l’histoire pourrait être différente. Mais qui croira encore au double-triple mandat et au mythe selon lequel une Banque centrale garantit la stabilité des prix ?

Ce n’est plus les banques que les gens fuiront alors mais la monnaie.

 
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