Dans quoi investir en 2024 ?

Après avoir fait le point sur le comportement de notre transaction de la décennie en 2023, nous nous tournons maintenant vers l’avenir. Dans quoi faut-il investir en 2024 ?

Notre idée principale est que les actifs financiers sont actuellement surévalués. Pour justifier ce point, nous nous fondons sur des méthodes bien connues (capitalisation rapportée aux résultats, Case-Shiller au PIB, ou critère de Warren Buffett, …). Nous regardons surtout la capitalisation rapportée à la valeur de l’or, ce qui nous permet de nous affranchir des dérives monétaires.

Comme toutes ces méthodes indiquent que les actions sont chères, nous conseillons une allocation extrêmement prudente dans des entreprises très solides et nous privilégions les dividendes. Mais il existe toujours des exceptions à un principe général.

Ainsi, pour nos abonnés, mes collègues détectent des opportunités ponctuelles. En 2023, Tom Dyson a continué à conseiller des valeurs du secteur du shipping qu’il considère un peu comme de l’immobilier flottant : l’armateur possède un bateau et engrange des loyers. Ces entreprises sont peu nombreuses et ne figurent pas sur les écrans radars des très gros investisseurs institutionnels. On pouvait donc les acquérir dans de bonnes conditions.

Ce qui me fait venir une réflexion : la plupart des investisseurs particuliers ou professionnels sont des gens masochistes et schizophrènes qui sont heureux lorsque les prix montent. Dans tous les autres domaines, les acheteurs sont contents lorsque les prix baissent !

Et la croissance dans tout ça ?

Nous pensons que la macroéconomie et les statistiques simplifient et déforment la réalité. Nous ne croyons pas à l’économie pilotée par une poignée d’omniscients auto-déclarés qui manœuvrent sur la base de statistiques grossières. Pensez à l’indice des prix, aux taux de chômage, au PIB qui comptabilise un embouteillage comme une création de richesse, etc. La « croissance » est un indicateur à prendre avec des pincettes.

En revanche, à l’échelle d’une entreprise, la « bonne » croissance est bien plus facile à détecter avec une comptabilité sincère.

Le livre le plus instructif que j’ai lu récemment est De zéro à un (From Zero to One) écrit par Peter Thiel en 2014. Peter Thiel est un multi-entrepreneur à succès (Paypal, Palantir, SpaceX, LinkedIn et investisseur dans Facebook). Le sous-titre de son livre est « comment construire le futur ». La thèse principale de l’auteur est que le futur ne se subit pas, il se décide par des entrepreneurs. Les entrepreneurs à succès, ceux qui bâtissent le futur, franchissent une marche en inventant quelque chose qui n’existait pas ; ils passent de 0 à 1.

Il y a dans ce livre des réflexions sur la concurrence, les marges et les monopoles d’excellence que j’ai appréciées. Mais figure également un passage sur la finance qui peut intéresser tout investisseur :

La finance incarne la pensée indéfinie parce que c’est le seul moyen de gagner de l’argent quand on ne sait absolument pas créer de la richesse. S’ils ne fréquentent pas les facultés de droit, de brillants diplômés se dirigent vers Wall Street précisément parce qu’ils n’ont pas de plan de carrière véritable. Et une fois qu’ils sont entrés chez Goldman Sachs, ils s’aperçoivent que même à l’intérieur de la finance, tout est indéfini. […] Le principe fondamental c’est que le marché se révèle aléatoire : comme on ne peut rien savoir de précis ou substantiel, la diversification des investissements devient suprêmement importante. 

Le caractère indéfini de la finance peut se révéler bizarre. Songez à ce qui se passe quand des patrons qui ont connu la réussite cède leur entreprise. Que font-ils de leur argent ? Dans un monde financiarisé, cela se déroule comme suit :

·      Les fondateurs ne savent qu’en faire et ils le confient à une grande banque

·      Les banquiers ne savent qu’en faire, ils diversifient ces capitaux dans un portefeuille d’investisseurs institutionnels

·      Les investisseurs institutionnels ne savent que faire des capitaux gérés et les diversifient en amassant un portefeuille de titres

·      Les entreprises concernées s’efforcent de pousser le cours de leur action à la hausse pour générer de nouvelles sources de liquidités. Ensuite, elles distribuent des dividendes ou se lancent dans des opérations de rachat de leurs propres titres, et le cycle se répète.

[…] Dans un monde indéfini, les acteurs préfèrent se réserver une optionalité illimitée ; l’argent est plus précieux que tout ce que l’on pourrait en faire. Ce n’est que dans un avenir défini que l’argent est un moyen tendu vers une fin, et non une fin en soi.

L’idée de Thiel est que l’entrepreneur façonne un avenir défini : il a une vision spécifique, une idée et un plan pour passer de 0 à 1, franchir une marche, créer quelque chose qui n’existait pas.

 

Bien évidemment, si cet entrepreneur fait appel au marché pour trouver des capitaux et s’il réussit, l’investisseur de la première heure transforme une petite mise initiale en un gros capital.

L’intelligence artificielle : une bulle de fatuité

Question : ce qu’on appelle pompeusement l’intelligence artificielle créera-t-elle de la croissance et fait elle passer de 0 à 1 ?

Je pense que non.

Cette opinion m’est venue après avoir lu les platitudes débitées par l’IA soumise à des questions. 

Mais je peux développer certains autres arguments. L’IA ne « crée » pas, elle ne sait pas elle-même passer de 0 à 1. Et elle ne nous fait pas passer de 0 à 1. Ses réponses montrent qu’elle est dans un monde au futur indéfini. Elle n’a pas de vision. 

L’IA est simplement un automatisme qui, comme tous les automatismes, sera en mesure de remplir des tâches routinières autrefois confiées à des humains. Rien de révolutionnaire.

Prenons l’aéronautique en exemple pour préciser ce propos. Aujourd’hui, tous les atterrissages dans tous les aéroports des pays développés se font en ATT (atterrissage tous temps en français). Il s’agit d’automatismes qui prennent la main sur les pilotes. Pourtant ces mêmes pilotes ont un excellent niveau d’études, de pratique, ont été rigoureusement sélectionnés, et sont bien payés. L’aéronautique s’est mise à l’IA depuis les années 1990 !

Toute ces valorisations délirantes de start-up liées à l’IA ne sont qu’une bulle de plus.

Cette bulle éclatera-t-elle en 2024 ? Impossible à dire, il y a tellement d’autres bulles plus anciennes. Notamment tout ce qui est lié aux énergies dites, renouvelables, qui ne sont en réalité qu’intermittentes. La débâcle en 2023 des entreprises impliquées dans l’éolien marque peut-être le début de l’éclatement de cette autre bulle.

En dehors des investissements peu médiatisés que sélectionnent soigneusement mes collègues pour nos abonnés, un domaine me tient à cœur : celui du nucléaire.

Les difficiles débuts du nucléaire privé

Je suis convaincue que la mise au point des petits réacteurs nucléaires modulaires et la maîtrise de la fusion seront deux innovations majeures dans le domaine de l’énergie électrique.

Pour la fusion, j’ai évoqué dans une chronique de juillet l’entrepreneur Shuji Nakamura, prix Nobel 2014 de physique, qui a indiqué se fixer comme objectif de démocratiser la fusion nucléaire avant 2030 et a fondé pour ce faire la société Blue Laser Fusion.

Nakamura n’est pas n’importe qui : vous lui devez les Leds, ces ampoules qui vous permettent de consommer 10 fois moins de puissance pour s’éclairer. 

L’éventuelle réussite de Nakamura profiterait aux actionnaires de Blue Laser Fusion, au monde entier, et permettrait au secteur privé de réellement participer à l’industrie nucléaire. Blue Laser Fusion est encore une société privée qui n’a pas à ce stade eu recours à une introduction en bourse.

Dans le domaine des petits réacteurs modulaires, ou SMR, c’est aussi l’effervescence. Les puissances visées sont de l’ordre de 100 à 300 MW (moins d’un dixième d’un EPR).

Début novembre, l’un des acteurs les plus avancés, l’américain NuScale Power, a cependant connu un coup dur : faute de clients, il a dû renoncer à ouvrir sa première centrale dans l’Idaho. Les collectivités locales ont trouvé les prix trop chers pour souscrire par avance des contrats.

Sale temps pour les actionnaires de la première heure qui – pour le moment – ont perdu les deux tiers de leur mise.

Ce qui me fait conclure avec les principes de Peter Thiel :

·      Il vaut mieux risquer l’audace plutôt que la banalité

·      Un mauvais plan vaut mieux que pas de plan du tout

·      Les marchés concurrentiels sont destructeurs de profits

·      Les ventes comptent tout autant que le produit

Dans le cas de NuScale Power, ce sont les ventes qui créent le problème. Pourtant, le marché de l’électricité n’est pas concurrentiel : les producteurs sont très peu nombreux et le réseau sur lequel circule l’électricité est souvent un monopole.

Je persiste à penser qu’en 2024, face au naufrage prévisible des énergies renouvelables qui devrait s’accélérer, le secteur privé du nucléaire pourrait réserver de bonnes surprises, que ce soit dans le domaine des petits réacteurs ou dans celui, encore plus futuriste, de la fusion.

D’ici là, joyeux Noël et bonne année.

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